Exception culturelle : les samouraïs au cinéma, ou le « jidai-geki » et les autres

Salut !

La vie au Japon, c’est passionnant et fascinant, on se balade partout et on voit plein de choses, mais du coup c’est aussi épuisant à de nombreux niveaux. Alors on aime aussi beaucoup se retrouver à la maison tranquillement pour regarder des films.

On a entamé une prometteuse session de revisionnage de Friends (valeur sûre éternelle) en mode binge-watching, mais ce n’est pas de ça que je voudrais parler aujourd’hui. Comme le titre l’indique, le but de cet article est d’évoquer quelques films de samouraïs que j’aime bien.

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L’intérêt des films de samouraïs, ce n’est pas de regarder des guerriers en armure se battre au sabre, même si ça peut évidemment être un aspect attrayant. Non, ce qui fait l’essence de ces films, c’est qu’il y a toujours (en tout cas souvent) une réflexion de fond, liée au fait qu’un tel film doit forcément aborder la question du statut de ces personnages. Un samouraï n’est pas un simple guerrier, et un film à leur sujet n’est pas qu’une suite de combats. La question de leur statut et des choix qu’ils doivent effectuer au niveau moral, éthique, et dans le sens qu’ils souhaitent donner à leur vie par rapport au monde qui les entoure et à ce que ce monde attend d’eux  (par exemple en ce qui concerne l’adhésion à une « voie du guerrier », bushido, dont la conception occidentale est cependant une création de toute pièce) devient forcément centrale. On pourrait rétorquer que c’est le cas dans la plupart des (bons) films, quel que soit leur genre, mais il me semble que le statut des samouraïs, lettrés-guerriers complexes, rend cette réflexion de fond vraiment inévitable.

Un terme japonais désigne ce genre sans qu’il soit limité au cinéma, c’est le jidai-geki (時代劇). Les œuvres se déroulent le plus souvent à la période Edo (1603-1868) mais parfois aussi bien plus tôt, ou un chouia plus tard. Voici une petite liste sans prétention.

Le maître : Akira Kurosawa

Quel film du plus connu des réalisateurs japonais choisir ? L’un de ses premiers (Sugata Sanshiro, Rashomon) ? Le plus connu (Les Sept Samouraïs) ? Les derniers succès (Kagemusha, Ran) ? Le choix est impossible. Je vais donc simplement évoquer un film qui  m’avait marqué dans ma prime  jeunesse, et qui concentre un certain nombre des caractéristiques des films de Kurosawa, mais dans un contexte plus léger et abordable (comparé par exemple aux 3h30 des Sept samouraïs) qu’à l’habitude : Tsubaki Sanjuro.

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Porté par l’acteur fétiche du réalisateur, Toshiro Mifune, qui personnifiera par ses nombreux rôles dans les films de Kurosawa le mythe du samouraï errant, sans maître, ce film décrit l’action d’un de ces ronin venant en aide à un groupe de jeunes samouraïs voulant sauver leur clan de la corruption en l’absence de leur maître. Le talent habituel de mise en scène de Kurosawa est ici doublé d’un humour qui m’avait particulièrement plu. Et Toshiro Mifune est depuis mon idole.

(Mais dites donc, c’est excellent ce trailer avec un bout de making of au début !)

Maintenant, plutôt que de m’étendre sur d’autres films de Kurosawa ou des classiques de cette époque, je vais évoquer quelques films plus récents et pour la plupart moins connus.

Un quasi-Kurosawa moderne : Après la pluie

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Après la pluie a été réalisé par l’ancien assistant de Kurosawa à partir de l’un de ses scripts inachevés. Il dépeint, à travers la péripétie d’un groupe de voyageurs bloqués dans une auberge par la crue d’une rivière, les tourments d’un ronin qui tente de concilier un passé trouble (hyper original, j’en conviens) et une vie tranquille avec sa femme. Ce film est assez contemplatif et rentrerait dans la catégorie « tranches de vie » avec la description des clients de l’auberge formant un groupe très hétéroclite, auquel le ronin et sa femme ont au départ du mal à se mêler. Je trouve en tout cas ce film très agréable à regarder, son titre reflète bien, à mon avis, son atmosphère.

Le samouraï à Hollywood

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Difficile de ne pas évoquer Le Dernier Samouraï, le film de 2003 avec Tom Cruise, qui est à mon goût un film correct quand on sait rester indulgent à l’égard des clichés de Hollywood. De toute façon, pour toute la bêtise que manifeste Tom Cruise dans sa vie publique (oui je pense à la scientologie), il n’a fait, à mon avis, que très peu de mauvais films : on est toujours à peu près sûr d’avoir affaire, au pire, à un bon divertissement. Et puis en plus, la musique est de Hans Zimmer, qui fait toujours à peu près la même chose, mais toujours efficacement. Rien à voir, par exemple, avec le récent 47 ronin avec Keanu Reeves (dont l’orientation plus fantastique et action n’excuse pas la mauvaise qualité intrinsèque). Le Dernier Samouraï dépeint en tout cas de manière relativement fidèle (dans l’esprit) l’un des derniers remous de la lutte opposant les partisans de l’ancien régime à ceux de l’ouverture à l’étranger, dans les années 1860-1870. Soyez avertis : c’est un film hollywoodien très manichéen et simpliste, louant le bonheur et le romantisme de la vie à l’ancienne des samouraïs loyaux et proches de la nature contre la modernité et l’industrialisation déshumanisées.

Il ne s’agit bien sûr pas de la première incursion des guerriers japonais en occident. L’acteur culte Toshiro Mifune mentionné plus haut a d’ailleurs eu une carrière de notre côté du globe après sa longue collaboration avec Kurosawa (ce qui a d’ailleurs mis à mal leur amitié), avec par exemple le western Soleil rouge au casting international composé de Charles Bronson, Ursula Andress et Alain Delon en plus du Japonais, qui y joue un samouraï envoyé en ambassade aux Etats-Unis.

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Redécouverte du genre : Le Samouraï du crépuscule

Quand je parle de redécouverte du genre, c’est personnel. Je veux dire que le film en question rejoint en quelque sorte l’image que je me faisais du film de samouraï quand je l’ai découvert, à la sauce moderne. Il constitue au passage un coup de cœur tout récent. Ne vous laissez pas tromper par son titre anglais Twilight Samurai, il n’est pas question de vampires scintillants (mieux vaut le préciser).

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Premier film d’une trilogie thématique par le réalisateur Yoji Yamada, Le Samouraï du crépuscule se déroule quelques années avant la révolution de Meiji qui bouleversera la société japonaise en l’ouvrant au monde extérieur. Le héros est un petit samouraï ruiné qui ne voit pas d’objection à laisser de côté son épée pour mieux apprécier la vie en famille en se convertissant à la vie de paysan, préfigurant ainsi les changements à venir dans la société japonaise. Encore un film plutôt contemplatif dont l’action sert le propos, décrivant intimement les troubles d’un homme tiraillé par les obligations d’une société qui ne correspond plus à la réalité. Et puis son acteur principal, Hiroyuki Sanada, est un petit peu mon nouveau Toshiro Mifune (et comme lui, il a entamé une carrière internationale, apparaissant d’ailleurs dans Le Dernier samouraï).

Mention spéciale : Bunraku

Un petit film un peu hors-sujet, que je mentionne surtout pour son esthétique originale, auquel le titre fait référence. L’affiche du film est terriblement nulle. Le film, sans être excellent, est quand même meilleur que ce qu’elle annonce. bunrakuseven7 Comme je le disais, son principal intérêt est son esthétique particulière.  Le bunraku est en effet un type de théâtre japonais usant de marionnettes de grande taille, et l’on retrouve cette idée dans les enchaînements des scènes, les décors et les jeux de lumière. Si les tentatives esthétiques originales vous intéressent, c’est le genre de film à tester, à mon avis. Le casting est un peu inattendu, avec Josh Hartnett qui côtoie la superstar japonaise Gackt.

Voilà voilà, c’était donc quelques idées et suggestions de films, pas forcément les meilleurs ni les plus connus, mais qui ont tous au moins un aspect intéressant les démarquant du reste. Alors à vos écrans/achats/téléchargements !

2 réflexions sur “Exception culturelle : les samouraïs au cinéma, ou le « jidai-geki » et les autres

    • Le thème du bunraku n’est que prétexte à une expérience visuelle vaguement « orientalisante » mais surtout différente des canons esthétiques du cinéma hollywoodien actuel, et pas du tout une tentative de se rapprocher du vrai bunraku que personne dans le public visé ne connaît ! (ni moi non plus)

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