A l’assaut du Mont Fuji

L’un de nos objectifs en venant au Japon était d’effectuer l’ascension du volcan sacré. Et il s’en est fallu de peu que nous ne puissions pas le faire ! Un typhon s’est abattu sur la zone très exactement le jour où l’avions prévu. Nous avons donc dû repousser jusqu’au dernier moment et nous sommes finalement lancés quelques jours à peine avant notre départ définitif du Japon, avec des prévisions météo mitigées, qui se sont heureusement finalement révélées relativement imprécises (dans le bon sens pour nous).

Avant toutes choses, shoutout, bigup et salutations à Camille et Kiki, qui l’ont fait avec moi.

Spoiler alerte : la vue du sommet.

Spoiler alert : la vue du sommet.

Pour ma part, je n’étais pas très enthousiaste au départ : j’avais entendu et lu que la montagne était sale, que l’ascension n’avait aucun intérêt, etc. Je fais pas mal de montagne, mais là, je ne voyais donc aucune raison de la faire. Mais ma copine insistant sur ce symbole, j’ai découvert en étudiant la question, d’une part que la montagne est maintenant bien plus propre qu’avant, et d’autre part que l’intérêt de la gravir est ailleurs.

Pour ce qui est de la propreté, le Japon avait essuyé un refus il y a plusieurs années quant à l’inscription du Fujisan à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en raison de l’état du site. Suite à cet échec, une grande campagne de nettoyage, de sensibilisation et d’encadrement a été effectuée, avec succès puisque le volcan est maintenant inscrit au patrimoine de l’humanité. Il reste pas mal de détritus au sommet, mais j’imagine que c’est bien mieux qu’avant.

En ce qui concerne l’intérêt de l’ascension, il faut admettre que ce n’est pas de la montagne qui donne envie : elle est noire (volcanique) et quand on est dessus, on ne peut plus admirer sa magnifique symétrie, ses pentes douces, et il n’y a plus de neige en été, donc la montée elle-même n’est pas très agréable. En revanche, la vue est exceptionnelle (il est rare de se trouver au sommet d’une montagne de 3700 mètres sans rien autour qui atteigne 1500), et l’ascension de nuit est magique, bien qu’épuisante à la fin.

Et surtout, on éprouve ce sentiment de communauté des grimpeurs, qui existe sur toutes les ascensions du monde, où chacun se soutient dans l’effort, mais décuplé par la conscience d’un but commun fortement symbolique.

Un effort qu’il est conseillé d’effectuer une fois, mais pas deux, selon le proverbe japonais paraît-il consacré : « Celui qui gravit le mont Fuji une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou » !

Après mes hésitations initiales, l’anticipation a commencé à monter pendant mes recherches, et au final j’ai été ravi de le faire. Place au récit !

L’ascension : ils sont fous ces Japonais

Pour la plupart des gens, le but du jeu est d’arriver au sommet au lever du soleil pour pouvoir l’admirer dans des conditions uniques (ça s’appelle « goraiko »). Il faut donc synchroniser sa montée pour l’achever à 4h30 du matin environ. Certains la font d’une traite, ce qui est très déconseillé, surtout pour les marcheurs non expérimentés qui composent une bonne partie des grimpeurs (par rapport à des ascensions traditionnelles, puisque cette montagne attire beaucoup de néophytes pour son côté symbolique). On appelle ça le « bullet climbing », et je ne comptais pas y traîner ma copine. Mais à part ces conditions de temps et le fait de grimper en nocturne, l’ascension ne présente aucune difficulté particulière (si on est préparé à la montagne ! pas de shorts et sandales).

Des « stations » comportant des refuges où se ravitailler et se reposer, moyennant finances, s’égrènent le long de la montagne, neuf en tout. On débute à la cinquième, à 2300 mètres d’altitude environ, la route carrossable allant jusque-là. Il est bien sûr possible de démarrer plus bas, mais ça présente moins d’intérêt pour une durée et un effort bien plus conséquents. Plusieurs sentiers sont aménagés, nous sommes montés par le plus accessible et donc le plus fréquenté, le « Yoshida » :

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Nous avons donc commencé tout gentiment dans les arbres en début d’après-midi, sur une pente marquée mais régulière. On peut déjà constater que la terre est noire.

Admirez mes compagnons d'aventure.

Admirez mes compagnons d’aventure.

Cette pente facile à gravir sera là tout le long hormis quelques passages rocailleux. En revanche, la végétation ne sera très rapidement plus qu’un souvenir.

Photo panorama depuis la septième station, atteinte très rapidement (1h30 environ) :

On peut y voir deux des

On peut y voir deux des « Fuji cinq lacs », à gauche le Kawaguchiko, à droite le Yamanaka.

A chaque « station », nous prenons grand plaisir à nous reposer, recharger un peu les batteries avec quelques bonbons et autres barres énergétiques. Il n’y a pas encore trop de monde. Nous parvenons après trois heure de montée, vers 17h30, au refuge dans lequel nous avions pris soin de réserver des lits (indispensable). Ce refuge est situé exactement entre le départ et le sommet, mais si j’avais su que l’ascension était si facile j’aurais choisi de m’arrêter plus haut, plus proche du sommet, pour réduire la durée de l’ascension nocturne.

Un repas en début de soirée, et au lit, même si on n’a pas sommeil : il faudra repartir vers 1h30 pour arriver au sommet à temps pour le lever du soleil. Avant le couvre-feu, nous sortons admirer le coucher du soleil. Etant sur le côté de la montagne par rapport à l’axe du soleil, nous avons droit à la moitié de deux événements : le coucher d’un côté, et l’ombre du Fujisan qu’il projette sur les nuages derrière lui !

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La nocturne

Après quelques heures de repos dont seulement une ou deux heures de véritable sommeil, comme vous pouvez vous en douter quand on se couche à 19h, c’est le moment de repartir après avoir grignoté quelques biscuits, s’être habillé chaudement et avoir attaché les lampes frontales. C’est probablement la partie la plus féerique de la randonnée. Le vent a chassé les nuages au-dessus de nos têtes, révélant les étoiles, tandis que les lampes des autres randonneurs font briller encore des dizaines de points lumineux. Au loin, tout autour, les lumières des villes environnantes.

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Difficile de prendre une photo nette de nuit sans pied et tremblant de froid ! A droite, la luminosité dans le ciel est créée par Tokyo, invisible directement.

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A mesure que le sommeil, la fatigue, le vent et le froid se font sentir, les pauses sont de plus en plus bienvenues.

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A l’approche du sommet, les nuages reviennent (ici au pied de la 9e station).

Mais plus on monte, plus ça devient difficile : des nuages se sont accrochés au sommet, comme à leur habitude, et surtout les grimpeurs sont de plus en plus nombreux, puisque tout le monde veut arriver au même endroit au même moment. Au point qu’à quelques centaines de mètres du sommet, nous devons faire la queue. On avance de cinq mètres puis on attend deux minutes, dans le vent froid qui nous cingle, sans aucun obstacle pour le ralentir, à 3600 mètres d’altitude au moins. Ce sera comme ça pendant bien une heure complète avant que nous ne finissions par déboucher au sommet. Nous n’y sommes pas à temps pour le lever du soleil, mais de toute façon, nous étions dans les nuages. Un peu déçus, nous avons quand même été témoins d’un moment particulier, quand le nuage qui nous environnait est passé de gris à blanc, d’un coup, comme si quelqu’un allumait la lumière. Nous avons donc quand même un peu vécu le lever du soleil…

Sommet

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Au sommet, presque une trouée dans les nuages !

Arrivés au sommet, nous sommes accueillis par plusieurs bâtiments pouvant servir de refuge, proposant souvenirs et nourriture. Nous nous installons quelques minutes au milieu d’autres randonneurs entassés sur des bancs, épuisés, face à un couple d’Allemands au bout de leur vie. Je vois passer un billet de 2000 yens quand des touristes chinois paient leurs bols de nouilles, billet quasiment inexistant au Japon mais étrangement parfois trouvable à l’étranger, et j’arrive à l’échanger à la serveuse qui vient de se faire payer contre deux billets de 1000. Victoire !

Bien fatigués, éprouvés par cette dernière partie de l’ascension, le sommet restant décidément dans la purée de pois, offrant une visibilité de quelques mètres à peine, nous décidons de redescendre sans aller voir le cratère, qui serait resté invisible, et surtout pas en allant marcher jusqu’au côté opposé du sommet, réel point le plus élevé à quelques mètres d’altitude près, mais nécessitant encore une heure de marche autour du cratère. Nous nous dirigeons donc directement vers le chemin du retour.

Impression d'être des explorateurs dans le brouillard...

Impression d’être des explorateurs dans le brouillard… mais serait-ce le soleil ?!

Soudain les nuages à notre niveau sont transpercés, effilochés, et hop, presque partis !

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Constatant cela, nous trouvons la motivation de remonter pour voir le cratère, où un spectacle spécial nous attendait.

Le cratère et, en face, le sommet officiel.

Le cratère et, en face, le sommet officiel.

Vous voyez l’arc-en-ciel sur le nuage dans le cratère ? Je zoom :

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Ce qui est étrange, c’est que chacun voyait sa propre ombre au centre de l’arc-en-ciel. Sur la photo que je prends, je suis au centre et la petite ombre à côté de moi est ma copine. Mais de son point de vue à elle, c’est elle qui se trouvait au centre (testé en agitant les bras etc).

Marrant. C’est même devenu un cercle-en-ciel :

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La descente

Bref, on a bien admiré tout ça. Puis le temps de redescendre pour de bon est venu. Nous entamons donc la descente, par un autre chemin qui propose, d’après mes recherches, une partie permettant de courir tout droit dans la pente, dans du sable volcanique, sur plusieurs centaines de mètres. J’ai adoré, on peut descendre en quelques minutes ce qui prendrait bien plus longtemps en lacets classiques. La descente est malheureusement rapidement devenue un calvaire pour ma copine dont les pieds avaient littéralement gonflé dans les chaussures. Vraiment dommage, parce que la descente en courant dans le sable aurait été top sans ça ! L’un des trucs les plus durs en montagne c’est la descente qui fait horriblement souffrir les genoux et les cuisses, et cette longue bande de sable tout droit dans la pente rend une grande partie de la descente bien plus supportable… si on a les pieds en état de courir. Et peut-être que c’est pas si facile que ça, si j’en crois le nombre de personnes qui galéraient en marchant sur la piste. Moi, j’ai kiffé.

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En tout cas, toute cette aventure était, malgré l’attente au sommet, malgré le froid et la fatigue, malgré la douleur à la descente pour certains, une expérience inoubliable que je conseille à tous. Et pour ma part, je ne sais pas si je suis fou, mais je serais tout à fait prêt à le faire une deuxième fois, si c’était pour le faire découvrir à des gens enthousiastes…

Quelques infos pratiques :

J’ai lu beaucoup de récits catastrophe et de « horror stories » sur l’ascension du mont Fuji, mais il s’agit à chaque fois de personnes très mal préparées et peu habituées à la montagne. OUI il faut s’habiller chaudement, même en été il fait froid à 3700 mètres, c’est peut-être difficile à croire quand on cuit dans les 30° et 85% d’humidité de Tokyo en juillet-août, mais c’est le cas. Il faut avoir du bon matos, de bonnes chaussures surtout, de bons vêtements de pluie même s’il n’y a pas de nuages au moment de partir, de quoi boire et manger, prévoir des temps de pause, être en condition physique normale. Mais sinon l’ascension est facile, vraiment.

Elle n’est officiellement permise qu’en juillet-août (à quelques jours près), ce qui veut surtout dire que le faire hors saison expose à des dangers bien supérieurs : présence de neige, refuges fermés, etc, bref, ne le faites pas à moins d’être un professionnel.

Comme je le disais plus haut, je déconseille le « bullet climb » en une fois, et l’ascension de jour, sans l’attrait de la montée de nuit et du lever du soleil (même raté) qui lui confèrent une atmosphère exceptionnelle, ne doit pas être passionnante non plus. Il peut aussi arriver que, la météo du Fujisan étant très capricieuse, tout se fasse sous la pluie… eh bien dans ce cas, tant pis… en tout cas, réserver un refuge paraît indispensable.

Toutes les infos nécessaires sont abondamment disponibles sur internet, j’indiquerai deux sites en particulier, en anglais :

http://www.japan-guide.com/e/e6901.html

http://www.garyjwolff.com/climbing-mt-fuji.html

Toute personne un peu sérieuse, qui sait qu’il ne faut pas prendre la montagne à la légère, et qui prend donc le temps de lire les conseils d’usage, de les suivre, avec une condition physique moyenne, pourra effectuer l’ascension du mont Fuji sans difficulté, hors problèmes météo.

A la prochaine !

J’oubliais l’album flickr.

3 réflexions sur “A l’assaut du Mont Fuji

  1. Pingback: Récit d’une ascension mythique | Les Carnets de Camille

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